RAPHAEL MONTICELLI
quatrième essai de nécrologie, suite
Dans quel milieu était-il né ou fallait-il le faire naître ?
AOI
N’y avait-il point déjà là matière à présentation, à digressions ? Ne fallait-il pas découvrir -pour bien comprendre et bien rendre la vie- ces infimes détails qui trop souvent nous trouvent aveugles et auxquels, jour après jour, nous nous formons -ou conformons : poignées de portes, qui, selon qu’elles sont ovoïdes et fraîches dans leur éclat de porce¬laine, ou anguleuses et raides, sortes de poings de métal plus ou moins cossus, plus ou moins solides, sollicitent autrement la main, lui donnent forme et mouvement, enga¬gent plutôt l’action du poignet ou celle du coude ; abat-jour humblement posé sur une lampe en bois blanc tourné, diffusant discrètement une lumière chiche et amicale dans le renfoncement du mur près du lit, ou appelant le repos du regard sur son fond mauve un peu passé aux grandes fleurs rose-pâle sur l’étroite table du coin du salon, ou cou¬vant, au centre du plafond, la lumière franche de la cuisine, blanc-gris, poisseux au tou¬cher ; pince-à-linge à l’odeur de bois, conservant dans ses fibres humidité et sécheresse, ou sorte d’attache en métal protégée par un revêtement synthétique, moins propre, sans doute, au rêve, mais se pliant davantage à l’imagination des doigts, conservant les effets de torsion, ridicule dans sa soumission, et faisant étrangement corps avec son ressort.